En supension entre deux mondes on peut me retrouver sur
Aigrette garzette atterrissage bientôt ?
En supension entre deux mondes on peut me retrouver sur
Aigrette garzette atterrissage bientôt ?
La soirée sous la lampe - Pierre Bonnard (1921)
UN SOIR
Nous sommes là, ce soir, paisibles sous la lampe.
Mon père lit, sa main pâle contre sa tempe ;
Mon frère est accoudé, les yeux ailleurs, auprès
De ma mère qui brode avec ses doigts distraits
Où luit le reflet lent du foyer sur ses bagues ;
Parfois le chien, perdu dans ses beaux songes vagues,
Etire de paresse et d'aise son flanc creux ;
Et je rêve, parmi le grand silence - heureux.
Nous sommes là, ce soir d'hiver, humble famille,
Ecoutant à l'horloge indécise qui brille
Dans l'ombre, palpiter les instants fugitifs,
Groupés devant le feu, comme des primitifs.
Fernand Gregh
La brodeuse - Jacques Barcat
Printemps
Voici donc les longs jours, lumière, amour, délire !
Voici le printemps ! mars, avril au doux sourire,
Mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis !
Les peupliers, au bord des fleuves endormis,
Se courbent mollement comme de grandes palmes ;
L’oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes ;
Il semble que tout rit, et que les arbres verts
Sont joyeux d’être ensemble et se disent des vers.
Le jour naît couronné d’une aube fraîche et tendre ;
Le soir est plein d’amour ; la nuit, on croit entendre,
A travers l’ombre immense et sous le ciel béni,
Quelque chose d’heureux chanter dans l’infini.
Victor Hugo - Toute la lyre
Partir sans crier gare !
Revenir un instant pour dire merci et pardon à tous mes amis de ce total mutisme. Mais c'est ainsi. Je n'ai plus rien à dire ni à montrer qui vaille.
Et je vais repartir jusqu'au début de l'année prochaine sans savoir si je pourrai faire un signe de temps à autre.
Je vous embrasse tous en attendant des jours meilleurs.
Edward Hopper
Edward Hopper - La Machine à coudre
La machine Singer
Une machine Singer dans un foyer nègre,
arabe, indien, malais, chinois, annamite,
ou dans n'importe quelle maison
sans boussole du tiers monde
c'était le dieu lare qui raccommodait
les mauvais jours de notre enfance.
Sous nos toits son aiguille tendait
des pièges fantastiques à la faim,
son aiguille défiait la soif.
La machine Singer domptait des tigres
la machine Singer charmait des serpents
elle bravait paludismes et cyclones
et cousait des feuilles à notre nudité.
La machine Singer n'était pas tombée
des dernières pluies du ciel :
elle avait quelque part un père,
une mère, des tantes, des oncles,
et avant même d'avoir des dents pour mordre
elle savait se frayer un chemin de lionne.
La machine Singer n'était pas toujours
une machine à coudre attelée jour et nuit
à la tendresse d'une fée sous-développée.
Parfois c'était une bête féroce
qui se cabrait avec des griffes
et qui écumait de rage
et inondait la maison de fumée
et la maison restait sans rythme ni mesure
la maison cessait de tourner autour du Soleil
et les meubles prenaient la fuite
et les tables surtout les tables
qui se sentaient très seules au milieu du désert de notre faim
retournaient à leur enfance de la forêt
et ces jour-là nous savions que Singer
est un mot tombé d'un dictionnaire de proie
qui nous attendait parfois derrière les portes
une hache à la main !
René Depestre
Grand écrivain et poète Haïtien né en 1926 à Jacmel. Son père disparaît en 1936. La famille est pauvre et vit des travaux de couturière de sa mère. Il vit depuis de nombreuses années dans les Corbières audoises.
« C'est grâce aux sacrifices de ma mère avec une machine à coudre que nous avons pu faire nos études. Elle voulait absolument qu'on fasse tous les cinq des études, qu'on aille au moins jusqu'au baccalauréat et même, dans mon cas, elle voulait que je sois médecin. C'est pour ça que dans mes poèmes la machine Singer occupe une place aussi importante. »
Précieux outil, encore et toujours...
Emile Nelligan, le grand poète québécois
[...]
Je suis gai ! je suis gai ! Dans le cristal qui chante,
Verse, verse le vin ! verse encore et toujours,
Que je puisse oublier la tristesse des jours,
Dans le dédain que j'ai de la foule méchante !
Je suis gai ! je suis gai ! Vive le vin et l'Art !...
J'ai le rêve de faire aussi des vers célèbres,
Des vers qui gémiront les musiques funèbres
Des vents d'automne au loin passant dans le brouillard.
C'est le règne du rire amer et de la rage
De se savoir poète et l'objet du mépris,
De se savoir un coeur et de n'être compris
Que par le clair de lune et les grands soirs d'orages !
[...]
Je suis gai ! je suis gai ! Vive le soir de mai !
Je suis follement gai, sans être pourtant ivre !...
Serait-ce que je suis enfin heureux de vivre ;
Enfin mon coeur est-il guéri d'avoir aimé ?
Les cloches ont chanté ; le vent du soir odore...
Et pendant que le vin ruisselle à joyeux flots,
Je suis si gai, si gai, dans mon rire sonore,
Oh ! si gai, que j'ai peur d'éclater en sanglots !
Cinq quatrains parmi les neuf que comporte "La romance du vin"
d' Emile Nelligan.
http://www.pierdelune.com/nelligan.htm
Nathalie Roussel - "Le Château de ma Mère"
Ma petite maman, je ne sais pourquoi je pense ce soir au vestibule froid de Saint-Maurice.
On s'asseyait sur les coffres ou dans des fauteuils de cuir après le dîner, en attendant l'heure d'aller se coucher.
Quand nous étions couchés quelquefois vous chantiez en bas ; ça nous arrivait comme les échos d'une fête immense ; ça me semblait ainsi ...
Ce qui m'a appris l'immensité ce n'est pas la Voie Lactée, ni l'aviation, ni la mer, mais le second lit de votre chambre : c'était une chance merveilleuse d'être malade, on avait envie de l'être chacun à son tour ; c'était un océan sans limites auquel la grippe donnait droit...
Ma petite maman, je ne suis pas bien sûr d'avoir vécu depuis l'enfance.
Saint Exupéry : Lettres à sa mère Gallimard
Brigitte Fossey - "3615 Code Père Noël"
Un peu de légéreté dans un monde lourd, lourd...
Le vent ?
Je suis le vent
La mer et la lune ?
Je suis la mer et la lune
Les larmes, la douleur, l'amour, les oiseaux ?
Je suis tout cela, le péché, la prière, la lumière...
Je danse ce que je suis...
Du poète Carl Sandburg évoquant Isadora Duncan
Une envolée de Rudolf Noureev, l'Oiseau Bleu
(La Belle au bois dormant - Tchaikovsky)
Et puis voici les très beaux et très lisses danseurs de bronze du sculpteur colombien Fernando Bottero...
La Ballerine
Mains de fée, généreuses, fraternelles, secourables...
Berthe Morisot - "Pasie cousant dans le jardin de Bougival" - 1881
"Les Mains" sculptées par Louise Bourgeois
"Mes émotions ne sont pas appropriées à ma taille" disait cette artiste exceptionnelle au style unique.
Deux mains rassurantes
Sont-ce les tiennes ?
Sont-ce les miennes ?
Tendues vers le vieux bois tourmenté
De cette autre main qui n'en peut plus...
Préfiguration de la tienne ?
De la mienne ?
(Odilie)
Louise Bourgeois (1911 - 2010)
Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.
Aragon - "Les mains d'Elsa"
Blanche main de marbre blanc